Versione Italiana - Part 1 and 5 in English - Part 1 and 5 in Portoguese

Diego Cuoghi


ART ET OVNIS?
non merci, seulement l'art...


(traduction: Pascal Pediroda)

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"MADONNA CON BAMBINO E SAN GIOVANNINO"

Attribuée à Sebastiano Mainardi ou à Jacopo del Sellaio
(Florence, Sale d’Hercule, Musée du Palazzo Vecchio)

 

 

La "Madonna con Bambino e San Giovannino", exposée dans la sale d’Hercule au Palazzo Vecchio de Florence, a été attribuée à différentes personnes. La petite pancarte du musée l’attribue à Jacopo del Sellaio, mais dans la fiche du catalogue (numéro 00292620) on peut lire que la peinture peut être plutôt attribuée à Sebastiano Mainardi (1466-1513), ), peintre du cercle appelé Ghirlandaio actif à Florence à la fin du XIVème. Il y est ajouté qu’on peut y voir des ressemblances évidentes avec des oeuvres de Lorenzo di Credi, surtout dans la figure de la Vierge.

C’est vraiment cette peinture qui a fait le plus parler les ufologues qui voient dans la scène en haut à droite, derrière les épaules de la Vierge, le témoignage d’une "rencontre" avec un objet volant non identifié. Dans la scène en question, nous voyons un personnage qui, avec une main sur le front, regarde vers une apparition dans le ciel. Avec lui, on voit un chien qui lui aussi regarde vers l’étrange objet.
Dans un article de Daniele Bedini, publié dans Notiziario UFO - n. 7 (Juillet - Aout 1996) on lit: "on relève clairement la présence d’un objet aérien, de couleur gris-plomb, incliné sur la gauche et doté d’une "coupole" ou "tourelle", apparemment identifiable comme étant un moyen de transport volant de forme ovoïdale en mouvement."

Mais ce n’est pas la seule particularité de la peinture, en haut à gauche, nous voyons en effet l’Etoile de la Nativité accompagnée par trois autres petites étoiles ou flammèches. Un détail très semblable est présent dans la Madonna du Livre (1480) de Sandro Botticelli.

Ces détails, "trois étoiles" et "nuage lumineux" nous font comprendre que cette peinture se réfère à une iconographie antique, un mode austère et rigoureux d’interpréter non seulement les sujets sacrés mais toute la vie citadine qui a été prêchée par Frère Girolamo Savonarola, précisément à Florence dans la période de la fin du XVème siècle. Après le départ des Médicis de Florence, a été instauré la République, que Savonarola orienta de façon théocratique, en exerçant une surveillance de fer (aujourd’hui on pourrait faire un parallèle en se référant aux fondamentalistes islamistes de la République iranienne de Khomeyni) et en arrivant même aux publics "bûchers de la vanité" du 1496-97, lorsqu’étaient rassemblés et brûlés en place des jeux de cartes, dés, coiffes, ornements, livres considérés obscènes, jusqu’aux peintures et aux objets précieux. La prédication de Savonarola influença énormément les oeuvres d'art de cette période. Et différents artistes, comme par exemple Sandro Botticelli, sont arrivés à renier leurs œuvres païennes précédentes pour peindre des sujets mystiques dans un style plus "pur", mais aussi plus rigide, archaïque et légendaire.

Le symbolisme religieux présent dans cette Vierge se référait par conséquence à une iconographie plus antique, qui dans la Florence de l'humanisme et du néoplatonisme s’était perdue. Les trois étoiles par exemple sont visibles dans des peintures du siècle précédent, mais surtout dans les icônes byzantines icônes byzantines de la Vierge. Elles se trouvent représentées souvent dans le voile voile (sur les épaules ou sur le front); ou sinon substituées par tres rayons,mais dans tous les cas, elles sont un symbole de la triple virginité de Marie, avant, durant et après l’accouchement.

Retournons au détail précédent, celui interprété comme étant d’ordre ufologique. Dans beaucoup d’autres "Nativités" du XIV et du XV nous trouvons une scène similaire. Il s’agit de l'annonce aux bergers, narré dans l’évangile de Luc.
"Et il y avait dans la même contrée des bergers demeurant aux champs, et gardant leur troupeau durant les veilles de la nuit. Et voici, un ange du Seigneur se trouva avec eux, et la gloire du Seigneur resplendit autour d’eux ; et ils furent saisis d’une fort grande peur. Et l’ange leur dit : N’ayez point de peur, car voici, je vous annonce un grand sujet de joie qui sera pour tout le peuple ; car aujourd’hui, dans la cité de David, vous est né un sauveur, qui est le Christ, le Seigneur...." (Luc 2,8-11).

L'annonce aux bergers comme apparaît dans une Nativité de Vincenzo Foppa (Detroit Institute of Arts):


Nous pouvons voir cette scène, représentée de façon très similaire à celle de la Madonna col Bambino du Palazzo Vecchio, dans beaucoup d’autres peintures qui ont comme sujet la Nativité ou l'Adoration de l’Enfant:

Pinturicchio
Vincenzo Foppa
Giovanni Di Paolo
Amico Aspertini
Lorenzo Di Credi
Lorenzo Di Credi (part.)
Agnolo Bronzino
Antoniazzo Romano
Pinturicchio
Pinturicchio (part.)
Maestro della predella
Bernardino Luini
miniatura sec XV
Bernardino Fasolo
Domenico Ghirlandaio
Hugo Van Der Goes

Ce sont seulement quelques exemples extraits de dizaines de peintures qui traitent de la Nativité. Dans toutes nous reconnaissons clairement l'Ange et nous voyons que presque toujours un des bergers se met la main sur le front, comme pour se protéger les yeux de la lumière de la "Gloire de Dieu" à laquelle se réfère l’évangile ci-dessus. Souvent apparaît aussi le chien qui regarde vers l’apparition. Dans beaucoup de cas l'Ange sort d’un nuage entouré de lumière ou de rayons dorés.

Dans une autre peinture de la fin du XV siècle, "Madonna col Bambino e San Giovannino" de Gherardo Di Giovanni (Florence, Gallerie de l'Académie), nous voyons dans le fond, à gauche de la Vierge, ce qui à première vue semble être une tâche noire. En observant mieux celle-ci se révèle être un ange qui sort d'un petit nuage et descend vers la scène de la nativité; mais dans ce cas on ne voit pas de bergers dans le fond.

Egalement dans un autre médaillon, attribué à l'école de Sebastiano Mainardi et conservé à Sommariva Perno,nous voyons la même scène avec le berger qui, avec la main sur le front, regarde vers l'apparition de l'ange vétu de rouge. Sur son côté un chien qui, avec la gueule ouverte, regarde l'ange. Au centre, au dessus de la tête de la Vierge, apparaît la nimbe lumineuse.

Une Nativité de Domenico Ghirlandaio, avec une etoile lumineuse qui apparaît dans la nimbe; a droite l'ange et les bergers:

Egalement dans ce détail extrait d'une autre Nativité de Domenico Ghirlandaio nous voyons aussi bien l'ange que la nimbe lumineuse (et il curieux de noter comme, même en se référant à cette peinture, qu'il y en ait qui y voit un OVNI dans le ciel (http://www.teegeeack.com/alien-ufo-secret-ufo-video-photo.html ):

Dans l'image suivante, extraite d'un livre de Prière des Sforza daté vers 1500, nous retrouvons la nimbe lumineuse (dans lequel on peut voir beaucoup d'anges) qui surplombe la scène de la Nativité :

La peinture la plus intéressante est cependant la Nativité de Lorenzo Monaco (1409) conservée au Metropolitan Museum di New York. Au dessus de la Vierge apparaît un nuage entourée de rayons dorés très similaires à celle du médaillon du Palazzo Vecchio, tandis que l'Ange, surgissant d'une autre nimbe lumineuse, fait l'annonce aux pasteurs:

Nous pouvons donc identifier également dans la Madonna con Bambino e San Giovannino la scène de l'annonciation aux bergers. Mais dans ce cas, nous notons tout de suite que des nuages qui représentent la Gloire de Dieu sortent seulement les rayons et on ne peut pas voir l'Ange décrit dans l’évangile de Luc.
Pourtant, dans l'art sacré de la Renaissance, n’étaient pas seulement représentées scènes et situations extraites des quatre évangiles canoniques. Très souvent, on recourait aussi aux évangiles apocryphes, textes plus récents qui contiennent personnages et événements de goût plus populaire et narratif. Les nombreuses scènes qui représentent les"Noces de la Vierge", la "Présentation de Marie au Temples" (peintures de Giotto), la rencontre entre Jésus et Saint Jean-Baptiste durant la fuite en Egypte (peinture de Léonard de Vinci dans la Vergine delle Rocce)... sont tous des sujets qui dérivent d’histoires étrangères aux évangiles de Marc, Mathieu, Luc et Jean. Les peintres et leurs clients, qui choisissaient les sujets, très souvent, mélangeaient scènes et situations extraites de textes différents. Par exemple l'annonce aux bergers et la description de la crèche avec le bœuf et l’âne, se trouvent dans l’évangile de Luc et non dans celui de Mathieu, qui en revanche contient l’histoire des Rois Mages et de l’Etoile.

Un des évangiles apocryphes les plus diffusés et utilisés comme source de sujets par les artistes de cette époque est le Proto évangile de Jacques. Précisément dans ce texte nous trouvons une description de la nativité dans laquelle n’apparaissent pas les anges mais seulement une "nimbe lumineuse", comme dans de nombreux autres extraits bibliques:

[19, 2] et ils s'arrêtèrent à l'endroit de la grotte. Une obscure nuée enveloppait celle-ci. Et la sage-femme dit : " Mon âme a été exaltée aujourd'hui car mes yeux ont contemplé des merveilles : le salut est né pour Israël. " Aussitôt la nuée se retira de la grotte et une grande lumière resplendit à l'intérieur, que nos yeux ne pouvaient supporter. (Proto évangile de Jacques 19,2).

A la différence de l’évangile de Luc dans lequel nous lisons que "la Gloire du Seigneur les enveloppa de lumière", dans cet extrait le narrateur ajoute que "les yeux ne pouvaient supporter" cette grande lumière. Et dans beaucoup de peintures, nous voyons que le berger se protège les yeux avec la main.
Dans le même Proto évangile nous trouvons la description de l’Etoile, mais surtout, à la différence des évangiles canoniques, il dit que même le petit Jean-Baptiste dû fuire Hérode:

[22, 1] Alors Hérode, voyant qu'il avait été joué par les mages, se mit en colère et envoya des tueurs avec mission de faire périr tous les enfants jusqu'à l'âge de deux ans.
[22,2] Quand Marie apprit ce massacre, saisie d'effroi, elle prit l'enfant, l'emmaillota et le cacha dans une mangeoire à bétail.
[22,3] Élisabeth, qui avait appris que l'on cherchait Jean, l'emporta et gagna la montagne, et elle regardait à la ronde où le dissimuler mais elle n'apercevait point de cachette. Alors elle se mit à gémir, disant : " Montagne de Dieu, accueille une mère et son enfant ! " Car la frayeur l'empêchait de monter. Aussitôt la montagne se fendit et la reçut en son sein, tout en laissant filtrer une clarté pour elle. Car un ange du Seigneur était avec eux et il les protégeait.

Et voici que dans cet extrait du proto évangile de Jacques la "lumière" est identifiée avec un ange gardien, sans que celui-ci apparaisse comme un personnage vrai et réel.

La représentation de la seule nimbe sans l'Ange est rare mais nous pouvons en voir un exemple dans une peinture du Maître Franke. qui représente "L'Adoration de l’Enfant". Le même auteur dans une autre oeuvre représente en revanche Dieu à l'intérieur de la nimbe, tandis que l'ange fait l'annonce aux bergers:

Marco Bussagli a écrit différents livres sur l'iconographie des Anges. En particulier dans Storia degli Angeli (Rusconi, 1991) il cite le pseudo-Dionigi qui affirme «l’écriture sainte les représente aussi sous forme de nimbes, indiquant ainsi que les intelligences sacrées sont faites de façon à envelopper d’une lumière cachée et qu’accueillent simplement la première lueur à sa première émanation...». Le même Bussagli dans le catalogue de l’exposition Le Ali di Dio écrit «Dans l’ensemble du Moyen âge il se révéla comme une période centrale pour le développement de l’iconographie angélique, ses solutions furent par la suite réinterprétées avec un sens délibérément naturaliste par les cultures successives de la Renaissance et du Baroque. C’est le cas des "Anges nuage" qui vinrent par la suite proposés comme figures ailées soutenues par de moelleux oreillers de vapeur.» (http://www.enec.it/AliDio/09e_Iconografia.pdf)


Sano di Pietro, détail de l' Annonce aux Bergers (moitié XV siècle)

Nous pouvons ainsi aussi connecter le cercle avec la Madonna con Bambino e San Giovannino à la tradition iconographique de l'époque, celle de la fin du XIVème à Florence. Le détail archaïque des trois étoiles, symbole de la triple virginité de Marie, et la représentation non anthropomorphique mais symbolique de l'Ange en tant que "nimbe lumineuse" peuvent faire penser à une adhésion de l'auteur aux thèses de Gerolamo Savonarola, le frère dominicain qui prêchait un retour à la tradition et à une plus grande pureté dans l'art et dans la vie citadine. Dans la partie de la brochure du Musée du Palazzo Vecchio dédiée à la peinture, on dit qu’il y a des ressemblances étonnantes avec des oeuvres de Lorenzo di Credi. Précisément cet artiste était un des plus dévots disciples de Savonarola, au point qu’il arriva à brûler tous ses dessins de nu et à devenir frère lui-même.


Conclusions:

Dans la peinture intitulée Madonna con Bambino e San Giovannino, attribuée à Sebastiano Mainardi, artiste du cercle de Ghirlandaio, il n’y a pas d’OVNI. Les trois petites étoiles, qui dans cette peinture accompagnent celle qui est plus grande de la Nativité, étaient souvent utilisées en tant que symbole de la triple virginité de Marie; le berger qui regarde l'apparition dans le ciel en se protégeant les yeux avec la main est ressemblant à beaucoup d’autres extraits de peintures traitant du même sujet; la nimbe lumineuse derive de l’histoire de la Nativité dans le Proto évangile de Jacques. Le même Proto évangile qui contient les histoires de l'enfance de Marie, est un des textes les plus cités dans la définition du dogme de la virginité de Marie.


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